Après avoir refermé le 4ème et dernier tome de cette saga , j'ai tout de suite su que je ferai une longue chronique dessus. Il y a tant à dire , c'est une tétralogie incroyablement détaillée, la plume foisonnante d'Elena Ferrante nous embraque dès les premières lignes sans jamais nous étourdir ou nous lasser. Je suis tellement contente d'avoir pu enchainer tome après tome. Le succès mondial de cette saga est amplement mérité et pour comprendre pourquoi "L'amie prodigieuse" a su s'imposer dans le cœur de milliers de lecteurs, il faut se laisser porter par l'histoire de ses deux jeunes filles , les suivre, les écouter , les aimer et les détester à la fois.
Même après avoir lu la dernière phrase, l'histoire d'Elena et de Lila reste dans la tête .
Il m'aura été impossible de lire un autre livre après avoir lu les dernières page de "L'amie prodigieuse" . Je voulais l'avoir bien en tête pour me concentrer exclusivement à mon ressenti . Je voulais réfléchir à cette fin qui m'a perturbée , à toutes mes questions restées sans réponses. Je voulais d'abord rédiger ma chronique avant de faire mes adieux définitifs à cette amitié folle, à cette ville violente, à ce quartier désastreux , à ses personnages que j'ai aimé à la folie et détesté malgré mon amour.
Cela fait au moins trois décennies qu'elle me répète vouloir disparaître sans laisser de trace, et il n'y a que moi qui sache vraiment ce qu'elle veut dire. Elle n'a jamais eu à l'esprit une quelconque fugue, un changement d'identité, ou rêvé de refaire sa vie ailleurs. Et elle n'a jamais pensé au suicide [...]. Son intention a toujours été différente : elle voulait se volatiliser, disperser chacune de ses cellules, et qu'on ne retrouve plus rien d'elle. Et comme je la connais bien, ou du moins je crois la connaître, je parie qu'elle a trouvé un moyen de ne pas laisser la moindre trace dans ce monde, pas un cheveu, nulle part.
TOME 1 , Enfance et adolescence
Le prologue nous intrigue, il laisse place à de nombreux questionnements pour la suite. Ça démarre comme un thriller avec une disparition inquiétante mais c'est pour finalement partir à la découverte d'une gigantesque fresque familiale sur plusieurs décennies. Les pages défilent et Elena nous raconte son enfance . Elle se résume surtout à l’école et à son amie Lila. Elena est fière d’être la chouchoute de la maitresse , elle se donne beaucoup de mal et étudie beaucoup pour rester à la première place. Mais un jour tous ses acquis prennent un coup de massue lorsqu’elle se rend compte que son amie Lila sait déjà lire et surtout qu’elle l’a apprit toute seule. De la première place , elle finit seconde et ça va apporter une nouvelle construction dans son amitié avec Lila. On comprend vite que l'amie prodigieuse c'est elle, Lila, avec son tempérament de feu et son intelligence grandiose. Elena va sans cesse se comparer à son amie, toujours dans la compétition. Et cette compétition va durer tout le long de la saga parfois pour le meilleur mais également pour le pire. L'amitié de ses gamines commence par une méchanceté de la part de Lila en jetant la poupée de Lénu dans la cave d'un monstre. Personnellement, jamais de la vie Lila serait devenue mon amie mais Lila dégage un fort magnétisme sur Lénu et malgré toutes les méchancetés de son amie , elle reste à ses cotés. Comme si sa vie n'avais pas de sens sans elle.
Déjà, à cette époque, quelque chose m’empêchait de l’abandonner. Je ne la connaissais pas bien et nous ne nous étions jamais adressé la parole, même si nous étions constamment en compétition en classe comme en dehors. Mais je sentais confusément que si je m’étais enfuie avec les autres, je lui aurais laissé une partie de moi qu’elle ne m’aurait plus rendue.
La relation entre ses deux gamines est attirante, irrésistible, incompréhensible , fusionnelle, malsaine . Cette "drôle d'amitié n'a de cesse de nous surprendre mais elle est la base de tout . Leur amitié est souvent au cœur de diverses tempêtes, le lien qui unit Lila et Lénu se tend mais jamais ne rompt. Mais même si leur amitié nous fascine , toute la beauté de ce roman ne s'arrête pas à ce détail. Elena Ferrante a réussit à écrire et décrire une Naples réaliste, un milieu social et politique réel . La violence sous jacente de ce quartier n'est pas seulement basée sur l'imaginaire , c'est un vrai travail de recherche historique , social et culturel qu'on retrouve dans les pages de ce livre. On est même en droit de se poser la question si ce qu'écrit l'autrice n'est pas une sorte d'autobiographie déguisée... Après tout Elena Ferrante n'est qu'un pseudonyme et tout semble si réel avec un roman écrit à la première personne du singulier et le prénom du personnage principal identique à l'autrice. C'est tout un mystère qui englobe cette saga et niveau mystère il y a en aura pas mal tout le long. Beaucoup de questions, peu de réponses
TOME 2,
On retrouve nos héroïnes dans les années 60 , les filles ont la vingtaine. On les a quitté au mariage de Lila . Pensant que Stefano était son pass pour une vie meilleure , Lila tombe de haut . De bras sauveur , il devient sa plus grosse erreur. Elena , elle , a comprit que pour fuir cette vie de violence il lui faut travailler toujours plus. On entre dans une psychologie incroyable des personnages . Car moi en tant que lectrice, je me suis dis que Lila malgré ses révoltes et sa grande intelligence choisit la facilité en acceptant un mariage arrangeant . Son statut social se réhausse mais elle est malheureuse et prisonnière de son alliance. Elena , toujours aussi effacée, monte les marches une par une mais par son seul travail. Il y a un plaisir malsain de voir Lila échouer et de voir Lénu briller. Car oui, j'assume que plusieurs fois j'ai haï la méchanceté de Lila , j'avais envie qu'elle est mal et descende de son piédestal où tout le monde la place. Elena ne peut s'empêcher de se sentir inférieure, elle qui passe des heures à étudier alors que Lila a une grand facilité , c'est rageant et on ne peut pas s'empêcher de se mettre à la place de Lénu . Elle nous renvoi à notre propre personnalité où en tant que timide on s'est effacé face à des amis plus lumineux et Lila représente tout ce qu'on aurai aimé avoir le courage d'être . Alors on est content de voir un personnage qui nous ressemble , en quelque sorte, gagner la partie . Mais c'est sans compter sur le tempérament de Lila , même à terre elle possède une force incroyable même si parfois on la déteste , elle nous épate , nous ébloui et reviens avec aplomb se loger dans notre cœur.
Elle est comme ça, elle veut toujours être la première partout : la plus belle, la plus élégante, la plus riche ! Et j’ajoutai : et la plus intelligente, surtout. À l’idée que Lila reprenne réellement ses études, j’éprouvai un déplaisir qui me sembla ignoble. Je savais qu’elle rattraperait sans problème les années d’études perdues. Je savais que je la retrouverais à mon côté aux épreuves du bac que nous passerions au coude à coude. Et je réalisai que cette perspective m’était insupportable. Mais il m’était plus insupportable encore de découvrir en moi ce sentiment. J’eus tellement honte que je me mis alors à m’exclamer que ce serait formidable de travailler à nouveau ensemble, puis insistai pour qu’elle s’informe sur les démarches à faire.
Elena Ferrante a le don de pointer du doigt nos plus vils sentiments, toucher là où ça fait mal . Le sentiment d'infériorité est douloureux et la jalousie se cache souvent derrière. L'épisode à la plage d'Ischia est la parfaite symbolique de ce sentiment douloureux. L'effacement de Lénu atteint son sommet face à l'éclat de Lila et ça nous fait mal. L'orage éclate dans notre tête . Lila se livre à la passion , son tempérament de liberté contraste tellement face à Lénu qui semble se rapetisser. Nous, lecteurs , sommes affectés , on recommence à prendre partie. Et comme Lénu on commence à avoir de très mauvaises pensées à l'égard de Lila , on ressent totalement l'amertume de cette amitié bancale.
C'est juste incroyable le nombre de sentiments qui passent durant l'histoire, tantôt fébrile, tantôt fantasque. Le point de rupture ne semble jamais très loin mais le lien qui unit les filles arrive quand même à résister.
Ce tome a une fin grandiose, il est impossible de résister à la tentation de se jeter sur la suite et heureusement que je l'avais sous la main car je ne m'en serais jamais remise.
TOME 3,
C'est une saga qui ne s'essouffle pas . On a quitté une Lénu brillante , elle semble avoir réussi . En coupant tout contact avec Lila et leur quartier, Lénu semble s'être trouvée quand à Lila , sa période glorieuse et fougueuse semble s'être arrêtée . Elle dépérit , lutte mais sans jamais s'effacer totalement. Là encore sa force nous explose au visage. Cette femme inspire le respect.
"Devenir". Ce verbe m'avait toujours obsédée, mais c'est en cette circonstance que je m'en rendis compte pour la première fois. "Je voulais devenir", même sans savoir quoi. Et j'étais "devenue", ça c'était certain, mais sans objet déterminé, sans vraie passion, sans ambition précise. J'avais voulu devenir quelque chose- voilà le fond de l'affaire- seulement parce que je craignais que Lila devienne Dieu sait quoi en me laissant sur le carreau. "Pour moi, devenir, c'était devenir dans son sillage". Or je devais recommencer à devenir mais pour moi, en tant qu'adulte, en dehors d'elle.
Durant ce tome , l'amitié entre les deux femmes est encore au cœur du roman mais il laisse tout de même une grande place à un environnement politique, social et culturelle saisissant. Les luttes sont historiques et apportent quelque chose de nouveau à ce tome , il change des précédents. Le fait que les rôles de Lila et Lénu se soient inversés mais aussi pas tous les thèmes qui s'y ajoutent. L'illusion d'un bon mariage que nous avions dans le tome précédent avec Lila nous le retrouvons dans le troisième opus mais avec Lénu, son mari est issu d'une très bonne famille, elle semble parfaitement intégré. Elle est même devenue romancière , rêve que partageait les deux amies lorsqu'elles étaient petites. Et pourtant, la monotonie, le patriarcat encore trop présent malgré la famille qui se dit "moderne" . La maternité et le sentiment de ne plus rien maitriser . De n'être qu'une mère imparfaite . S'oublier, revivre dans les bras d'autres fantasmes. Tout y est décrit avec une telle aisance que ça tient du génie.
Quel plaisir de trouver Lénu vivante malgré ses peurs , quel plaisir de la voir prendre les choses en main. De voir la relation entre Lila et Lénu prendre un chemin différent . De personne invisible , elle devient la personne à craindre . C'est avec une pure délectation qu'on termine ce tome et passe à la suite .
Tome 4,
Ce quatrième tome , je l'ai pris avec fébrilité car je n'avais pas envie que ça se termine. Que de voyages accomplis durant cette saga. Que de bouleversements, de sentiments, d'amertumes, de colère et d'amour. Plus j'écris ma chronique et plus je me rends compte à quel point cette saga m'a transportée. Bien sûr, n'allez pas croire qu'elle n'a aucun défaut, elle a beaucoup de longueurs, des passages beaucoup moins intéressants mais tout de même Elena Ferrante n'a pas son pareil pour décrire l'amitié aussi belle que destructrice.
Tu ne m'aurait pas écouté, car si l'amour est aveugle , il est sourd aussi.
Lénu a finit pas prendre le taureau par les cornes , elle se laisse transporter par la passion comme l'avait fait Lila dans le tome 2 et surtout avec le même garçon (sacré don juan le Nino!) Lila en apprenant cette liaison va faire sa méchante , et plus j'y réfléchis plus j'ai dû mal à comprendre , serait-ce de la jalousie? Ou bien juste de la méchanceté? Ou encore parce que clairvoyante, Lila savait que Lénu prenait un mauvais chemin et cherchait à la protéger de façon abrupte? De nouveau on prend partie pour l'une et on boude l'autre. On retrouve la Lila exacerbée du début et cette fois on se dit qu'avec la maturité des personnages leur amitié est finit. Cependant, une grossesse commune va de nouveau les rapprocher , leur amitié tient le coup . De nombreuses épreuves attendent les deux femmes mais la pire de toute sera pour Lila , le titre de ce quatrième tome nous donne déjà un indice de ce qui l'attend. "L'enfant perdue" , Tina mais que lui est -il arrivée ? Mon grand désespoir en finissant ce livre est ne pas le savoir. Pourquoi Elena Ferrante nous laisse dans cette obscurité ? J'ai tellement réfléchis , ça m'a obsédée une grande partie de la nuit . Pourquoi?, Pourquoi ?, Pourquoi? Y aura -il un autre tome qui pourrait expliquer non seulement la disparition de Tina mais également celle de Lila? Les deux ont elles un lien ? Nous savons que Lila a entrepris pendant des années des recherches sur Naples et qu'un roman serait sans doute écrit de sa main. Peut être que nous aurons l'occasion de lire tout ça , ce serait formidable car beaucoup de questions restent sans réponses. J'adorerai avoir le point de vue de Lila sur beaucoup de choses. C'est elle, la clé de nombreuses énigmes.
Une fin qui m'a rendue perplexe
Les différentes fraternités qui semblaient s'être formées au cours de la saga se sont dissoutes , plus rien ne sera jamais comme avant . On se rend compte finalement qu'une chose que l'on pensait acquise dès le début ne l'ai pas , finalement l'amie prodigieuse n'est pas Lila mais bel et bien Lénu. Un retournement de situation qu'on a pu voir tout le long de la saga. Si Lila est le personnage le plus agaçant , je me suis demandé si ce n'était pas la vision biaisée de Lénu qui faisait en sorte que ce soit le cas, après tout les romans sont écris à la première personne du singulier on a jamais eu le véritable point de vue de Lila. Vers les derniers chapitres , Lénu pense que Lila écrit un livre , au début elle attend ce roman avec enthousiasme comme le ferait n'importe quelle amie mais plus l'attente se prolonge et plus ses angoisses et son sentiment d'infériorité prennent le dessus. Lénu devient une véritable mégère, jalousant un événement qui n'est pas réellement arrivé.
La fin nous ramène au tout début de cette tétralogie avec le retour des poupées. Elles étaient perdues dans la cave noire de Don Achille , l'ogre. Tout a commencé avec ses poupées . Cette fin , m'a rendue perplexe , encore des interrogations. Que signifie le retour des poupées? Pourquoi Lila les a envoyé à Lénu ? Les avaient elles tout ce temps? Est-ce un symbole de leur amitié? Le retour des poupées signifie que la boucle est bouclée? Beaucoup de questions pour finalement si peu de réponses.
THEORIES SPECIALES LECTEURS
J'ai tenté une enquête sur les différentes explications de la fin. Tous les lecteurs sont différents et tous n'ont pas compris la fin de la même façon c'est pourquoi , je vous expose un petit compte rendue des théories qui pourraient expliquer le retour des poupées.
Un 5ème tome avec toutes les explications écrite de la main de Lila verra le jour.
Lila par le retour des poupées exprime qu'elle a toujours su manipuler Lénu. En lui mentant sur la disparition des poupées , elle a en quelque sorte toujours eu la main concernant le chemin de vie de Lénu
L'amitié a réellement commencé avec la disparition des poupées. En les retrouvant cela signifie que cet amitié n'a plus lieu d'être.
Lila envoie un message , une des poupées s'appelait Tina . En gros elle voudrait dire "J'ai perdue Tina une fois mais je l'ai retrouvé. Je ferai de même pour ma fille"
Voilà en gros ce que j'ai pu "dénicher" des différents lecteurs qui m'ont gentiment donné leur ressentis sur cette fin mystérieuse. Pour ma part, je crois (j'ai envie de croire) à la possibilité d'une 5ème tome dans lequel on aura toutes les explications. Je vais aussi lire tous les autres autres romans d'Elena Ferrante , sait-on jamais un indice pourrait s'y cacher...
Je termine ma chronique sur cette saga incroyable, pleine de mystères . Pour moi la boucle n'est pas bouclée , il y a forcément autre chose après. J'espère avoir des réponses, je vous laisse et n'hésitez surtout pas à me faire part de votre avis sur cette saga, ses personnages , cette amitié improbable mais puissante. J'ai hâte de vous lire.
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